Histoire et architecture
Le château de Chambord, avec ses 128m de façade, 440 pièces, 365 cheminées et 83 escaliers, se tient à quelques lieues de Blois, en Sologne. Palais emblématique de la première Renaissance Française, le château de François 1er constitue aujourd’hui une étape incontournable dans le circuit des châteaux de la Loire. C’est au cœur d’une vaste forêt giboyeuse, plate et fangeuse, souvent embrumée, que ce palais blanc et irréel surgit des marais. Le plan de l’édifice est celui d’un château fort de plaine. Il comporte une vaste enceinte rectangulaire, cantonnée de tours rondes, sur un côté de laquelle s’érige un donjon. Ce dernier possède des proportions colossales, et constitue à lui seul le château presque entier. L’ensemble dégage toutefois un profond sentiment de majesté, et la clarté géométrique du plan, l’harmonie des proportions et la fantaisie de ses toitures hérissées de tourelles, de cheminées et de lucarnes vertigineuses furent, à travers les siècles, autant de sources d’émerveillement. Selon Alfred de Vigny, » …on conçoit à peine comment les plans furent tracés… c’est un songe réalisé « .
1800 ouvriers, dit-on, œuvrèrent à la construction de Chambord, à partir de 1519 et pendant plus de trente ans. Si l’ombre de Léonard de Vinci – ami du roi et » architecteur » officiel qui mourut quelques mois avant l’ouverture du chantier – plane sur l’étonnant escalier à double révolution, on ne connaît cependant pas l’auteur de cette demeure étrange, à la fois prodigieuse et inhabitable. Souverains et ambassadeurs Européens l’ont admirée, et en restèrent confondus. François 1er, qui en rêva, n’y passa que quelques semaines, la laissant vide de meubles et d’habitants après chaque passage et, finalement, inachevée… Faut-il donc y voir la volonté du roi de France, face à Charles Quint et Henri VIII d’Angleterre, de s’imposer dans une Europe changeante, une image donnée de la centralisation du pouvoir qui s’instaure alors ? Si Henri II (1519-1559) en poursuivit quelques temps les travaux, ceux-ci ne furent terminés que sous le règne de Louis XIV (1638-1715), qui aima ce lieu prestigieux au point d’y faire plusieurs séjours ponctués de chasses, de ballets et des représentations théâtrales de Molière.
Par la suite, bien que rarement habité, il conserva une fonction symbolique, représentant ce qu’un pouvoir absolu pouvait faire en matière de construction inutile, née de la seule fantaisie et du bon plaisir du souverain. Chambord devint alors le « cadeau » prestigieux et la résidence dont bénéficièrent de diverses manières les ducs d’Orléans au XVIIème siècle; Stanislas Leczcinski, beau père de Louis XV et roi de Pologne en exil, et le maréchal Maurice de Saxe au XVIIIème siècle et, au XIXème siècle, le maréchal Berthier puis le duc de Bordeaux, devenu comte de Chambord.
Propriété de l’Etat depuis 1932, cet édifice mythique accueille aujourd’hui plus de 800 000 visiteurs par an.
L’histoire
Un mur qui cache la forêt
Ce domaine de 5440 ha, ceinturé d’un mur de 32 km, est le plus grand parc forestier clos d’Europe. Il est pratiquement l’équivalent, en surface, de la ville de Paris ( boulevard des Maréchaux). La construction du mur, commencée à la fin du règne de François Ier (1542), se termine sous Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII (1645). Parfaitement entretenu aujourd’hui, il constitue une barrière infranchissable pour la grande faune : six portes y ont été conservées pour la circulation des personnes.
Une forêt marquée par l’histoire
Le domaine a connu une multitude de propriétaires ou d’usufruitiers ayant eu des actions forestières plus ou moins heureuses. La forêt, pour une grande partie, est très récente puisqu’en 1820, plus de la moitié de la surface du parc n’était pas boisée : 23 fermes, landes et marécages dominaient dans la moitié nord du domaine.
Une réserve de faune sauvage
François Ier venait chasser le cerf sur ce territoire. Cette haute tradition cynégétique s’est prolongée jusqu’à nos jours. Classé réserve nationale de chasse et de faune sauvage en 1947, le domaine abrite aujourd’hui, en nombre, tous les représentants de la faune de Sologne, dont le cerf et le sanglier sont, à Chambord, les espèces emblématiques.
Le milieu
Un sol de Sologne
En limite de Sologne, Chambord repose sur des sols qui vont du sable à l’argile et génèrent une végétation pauvre. Le calcaire n’apparait que discrètement dans la partie nord ouest du domaine.
De l’eau en abondance
Alliée à un relief plat, cette forte présence d’argile maintient de l’eau en abondance : marécages, mares et étangs, sont reliés à la rivière, le Cosson, pour dessiner un réseau hydrographique très dense
Une forêt de lumière
Aujourd’hui, à l’exception de 200 ha de terres agricoles, de 160 ha de prairies à gibier et des 150 ha d’emprise du village, l’ensemble est couvert de chênes et pins sylvestres de qualité variable . Futaies, taillis sous futaie, landes à bruyère ou à genêt, étangs et marécages se côtoient pour le plaisir des yeux et le bien-être des animaux qui trouvent dans ces peuplements clairiérés un biotope très favorable.
Une gestion spécifique
Les objectifs principaux assignés à la forêt sont la recherche d’une grande qualité paysagère et la conservation des milieux naturels et des espèces, dont une population importante de grands ongulés. Les objectifs associés sont l’accueil du public et la production de bois.
La flore
Chambord possède sur son territoire 650 espèces végétales spontanées dont 150 remarquables, essentiellement inféodées aux milieux aquatiques et humides au sens large. Une seule cependant, l’Uronium natans, relève de l’annexe II de la directive européenne » habitat, faune, flore « .
La faune
Le cerf , figure emblématique de la réserve : Le cerf a toujours subsisté en nombre à travers les siècles. C’est l’espèce la mieux représentée. Si ce n’avait pas été le cas au XVIème siècle, François Ier n’aurait certainement pas choisi ce lieu. Aujourd’hui, les cerfs sont maintenus en grand nombre (700 adultes) pour faciliter les observations par le public et les captures au filet (panneautages).
Le sanglier déchaîne les passions : Au cours de l’histoire de Chambord, le sanglier a connu diverses fortunes. Très prisé par le fougueux Maréchal de Saxe qui aimait le chasser, il fut jugé indésirable par les princes de Bourbon Parme qui préféraient le petit gibier. Aujourd’hui, la population est maintenue à un niveau très élevé (600 adultes) pour l’observation par le public et l’organisation de chasses de prestige.
Le chevreuil , un hôte discret : contrairement à beaucoup d’autres territoires, le chevreuil est très peu représenté à Chambord (100 adultes).
Le mouflon de Corse, l’inattendu : Le mouflon de Corse, espèce non autochtone, fut introduite en 1950 pour constituer des populations dans diverses régions montagneuses françaises. Il est désormais maintenu à Chambord dans un but scientifique (40 adultes).
Les autres espèces : On trouve également toute la liste des animaux forestiers régionaux. La population d’oiseaux est très riche : 150 espèces dont 12 sont classés dans l’annexe I de la directive européenne » oiseaux « . 7 espèces animales sont classées dans l’annexe II de la directive européenne » habitats, faune, flore » : chauve-souris, triton, libellule. La salamandre y est observée quelquefois.
Un vrai laboratoire grandeur nature
Cette exceptionnelle richesse, la bonne maîtrise des populations et les moyens humains déployés pour la gestion font de Chambord un pôle d’excellence pour la connaissance de la faune.
La chasse
« Les Panneautages « , captures de cerfs vivants aux fins de repeuplement
Le panneautage est le procédé qui permet de capturer les cerfs vivants grâce à des filets appelés » panneaux « . Depuis 1947, il a été capturé plus de 4 000 animaux dans le but de peupler ou de repeupler grand nombre de territoires français. Ce mode de prélèvement est la base de la régulation du cerf. Il est complété par des tirs sélectifs à l’affût ou à l’approche afin de réaliser le plan de chasse qui permet de maintenir l’équilibre forêt-gibier.
Les battues officielles de sangliers, maintien d’une haute tradition cynégétique
Le sanglier est une espèce prolifique qui nécessite une régulation faite au cours de 13 battues annuelles. Ces chasses officielles (Office national des forêts, Office national de la chasse, préfecture et habitants de Chambord, jeunes lauréats du permis de chasser) sont des battues organisées suivant des rites parfaitement rodés où priment rigueur et sécurité, dans la plus pure éthique cynégétique.
Une gestion forestière vouée à la grande faune
La vocation cynégétique de Chambord n’a jamais été remise en question et a été transcrite, depuis que l’Etat est propriétaire, dans les orientations de gestion du parc forestier. Un plan d’aménagement d’une durée de 15 ans (1997-2011), approuvé par le ministre de l’Agriculture, précise ces orientations. La gestion forestière proprement dite est axée prioritairement sur la qualité paysagère et la conservation des milieux naturels et des espèces, dont une population importante de grands ongulés. Deux autres objectifs y sont associés : l’accueil du public et la production de bois. Ainsi, une zone est équipée pour l’accueil du public, une autre dont l’accès est interdit, est exclusivement réservée à la faune.
Maintien du taillis sous futaie sur 2 513 ha
C’est le régime le mieux adapté aux grands ongulés. Il consiste à couper le taillis tous les trente ans en conservant les grands arbres de futaie. Aujourd’hui, les coupes de taillis sous futaie (TSF) s’effectuent à un rythme de 90 ha par an, alors qu’elles avaient été interdites entre 1950 et 1970. 1 800 ha ont été parcourus en coupes depuis 1970 et 560 ha sont protégés de la dent des cervidés par des engrillagements. La densité des cerfs est en effet telle, que toute opération sylvicole de régénération nécessite une protection temporaire de 7 à 9 ans par un grillage de deux mètres de hauteur. Dans un souci d’efficacité, les blocs régénérés et engrillagés font en moyenne 40 à 50 ha.
Ces coupes de TSF restent encore prioritaires mais les futaies résineuses (1 786 ha) ne devraient plus tarder à être régénérées. Quant aux futaies feuillues (709 ha), elles sont encore bienvenantes.
Le retour en force du feuillu
L’essentiel des plantations des terres agricoles ou d’enrichissement de peuplements résineux ou dégradés s’effectuent en feuillus. Le résineux n’est planté que là où, écologiquement ou esthétiquement, il doit être mis en place. Depuis 1969, 220 ha ont été plantés dont :
- 152 ha en chêne commun,
- 25 ha en chêne rouge d’Amérique,
- 16 ha en pin sylvestre.
De nombreux arbres d’ornement ou fruitiers de haute tige ont été plantés dans les zones d’accueil du public, ou en enrichissement dans les peuplements forestiers. Ces plantations doivent également être protégées de la dent du gibier.
L’amélioration des peuplements résineux : d’indispensables éclaircies
Des importants reboisements résineux effectués aux environs des années 1950, ne subsistent aujourd’hui que 670 hectares. Depuis 1980, un gros effort a été réalisé dans ces peuplements fragiles pour effectuer et terminer les premières coupes d’éclaircie. Aujourd’hui, ces peuplements sont soumis à une sylviculture dynamique, indispensable à la croissance des arbres, mais également très favorable à l’enrichissement du milieu et de la biodiversité.
Une sylviculture de compromis
Concilier sylviculture et forte densité de grands ongulés n’est pas chose facile. Lorsqu’interfèrent, en outre, des contraintes paysagères, cynégétiques, et d’accueil du public, la tâche des forestiers devient complexe. Aussi, la majeure partie des coupes est-elle réalisée en régie par les ouvriers du domaine, exception faite des coupes de taillis, qui, chaque hiver, rassemblent 150 adjudicataires qui, en famille, façonnent leur bois de chauffage pour leur propre consommation et dont le rôle social n’est pas négligeable. 1000 ha de la réserve nationale de Chambord sont ouverts à la promenade et à l’observation d’animaux en liberté grâce à des miradors ouverts au public; un plan de la zone ouverte est disponible sur place.